DISCOURS D’ANDRE
VIOLA
Président du groupe de Gauche de l’ADF
Président du groupe de Gauche de l’ADF
Congrès de l'ADF
à Troyes – 15 octobre 2015
Seul le prononcé
fait foi
Madame la Ministre,
Monsieur le président de l’ADF,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Département de
l’Aube,
Monsieur le Maire de Troyes,
Mesdames et messieurs les conseillers
départementaux,
Mesdames, messieurs.
Depuis l'Assemblée générale de
renouvellement de l'ADF beaucoup de choses ont changé…
Une réforme clarifiant l’organisation territoriale
de la République a été votée.
Souvenons nous, il y a maintenant un an
et demi, l’avenir des départements se noircissait.
Alors, sans relâche, nous n’avons cessé
de convaincre. Et nous y sommes parvenus, conduisant le Premier ministre à
faire évoluer sa position concernant cette collectivité. A Pau l’an dernier il
rappelait le rôle indispensable des Départements.
Puis au Parlement, grâce à la mobilisation
de beaucoup d’entre vous, nous avons vu nos spécificités reconnues et nombre de
nos compétences maintenues..
Certes, les départements ont perdu la clause de compétences générale, les
transports et le soutien direct à l’activité économique.
Mais cette discussion
parlementaire nous a permis de conserver des compétences essentielles pour
continuer à œuvrer pour les citoyens de nos territoires : les collèges, la
voirie, les infrastructures numériques, la gestion des laboratoires d’analyse,
les SDIS, et bien sûr la possibilité d’intervenir dans le champ des compétences
partagées que sont la culture, le sport, et le tourisme.
Et les Départements sont surtout renforcés dans leur vocation de
solidarités humaines et territoriales.
Reconnus comme
incontournables en matière d’ingénierie, d’aide aux communes et d’accessibilité
des services au public, renforcés dans leur rôle majeur de protecteur des
personnes vulnérables, les départements se voient confier le rôle de garant de
l’équilibre territorial et du modèle social français sur tout le territoire de
la République.
Nous devons en
être fiers !
Cependant cette réforme comprend des zones d’ombre, des sujets
d’inquiétude…
Certes, la perte
de la compétence transports est regrettable. Mais c’est surtout celle des
transports scolaires qui aujourd’hui laisse beaucoup d’entre nous perplexes.
Comme vous, je
sais combien l’expertise des départements en la matière, leur capacité à créer
un réseau sur mesure maillant tout le territoire national sont précieuses. Il
est regrettable d’avoir fait le choix de ne plus les utiliser.
Dès lors, on peut
se demander comment vont évoluer ces services indispensables pour garantir aux
enfants l’accès à l’enseignement. Comment les régions vont les mettre en œuvre ?
Quels tarifs seront pratiqués ? Quels modèles seront mis en place afin de
ne pas déséquilibrer des entreprises locales au profit de grands groupes ?
Quelles conditions financières et techniques seront envisagées lorsque les
régions proposeront au département de poursuivre cette mission par voie de
convention ? Les citoyens lors des élections régionales comme les élus
lors des conférences territoriales de l’action publique en décideront…
Les conditions de transfert de compétences aux
métropoles sont également un sujet d’inquiétude.
Pourtant, l’ADF avait alerté qu’il était inimaginable
qu’une discussion équilibrée puisse avoir lieu entre le département et la
métropole lorsque l’on sait qu’en cas de désaccord, l’une des deux parties
remporte de toute façon la mise. Alors quelles solutions ?
Collaborer ! C’est indispensable pour que les départements concernés
puissent partager les expériences et multiplier leurs chances de sortir satisfaits
de ces négociations.
Enfin, le
transfert de la CVAE…
Soyons honnêtes, en
toute logique, un tel transfert peut s’entendre compte tenu des nouvelles
responsabilités des régions en lien direct avec l’activité économique.
Mais nous ne
sommes pas dupes ! Perdre la moitié de la CVAE, soit 3,9 milliards, c'est
surtout perdre une ressource dynamique dont les Départements sont déjà peu
pourvus en la matière.
Si, selon une
vision budgétaire nationale et globale, ce qui est récupéré en CVAE correspond
bien à nos pertes de compétences, une analyse département par département
impose que ce transfert soit justement réparti selon les charges transférées de
chaque département. C’est ce qu’à toujours défendu le groupe que je préside. Cela
devrait être le cas ! Mais nous devrons redoubler de vigilance à ce sujet,
une partie de l’avenir financier de nos départements s'y jouera !
Désormais, les
cartes des compétences départementales sont rebattues. A nous, présidentes et
présidents de conseils départementaux, de relever le défi de leur application.
Sans clause de
compétence générale et de possibilité d’interagir directement dans l'activité
économique nous devons trouver les moyens de poursuivre notre action en faveur
du développement de nos territoires. A nous d’inventer, d’innover !
L’enjeu est de taille ! Mais les perspectives sont nombreuses tant la
société est en mouvement et repousse certaines certitudes.
Déjà, lors du
congrès de Pau nous avions mis l’accent sur la capacité des départements à
répondre aux nouveaux défis qui se présentent à nous. Poursuivons cette
dynamique en échangeant, en débattant, en mutualisant, pour que nos
collectivités soient plus que jamais moteurs de l’avenir.
On pourrait s’interroger :
Comment procéder alors même que nous n’avons plus les mêmes compétences? Là réponse
est évidente : en développant les domaines dans lesquels nous sommes
compétents et experts !
Je pense à la Silver economy.
L’augmentation de
l’espérance de vie, les progrès de la médecine, accroissent la part des
personnes âgées et très âgées dans la population nationale. L’évolution des
modes de vie, la tendance au maintien à domicile des personnes âgées et en
situation de handicap génèrent dans le même temps de nouvelles activités et de
belles perspectives de développement économique.
L’accompagnement
de la dépendance nécessite des personnels toujours mieux formés pour développer
de nouvelles pratiques et soutenir les aidants.
Développer de
nouvelles pratiques c’est aussi accompagner la révolution numérique.
Bien sûr je pense au développement du réseau
internet, à l’installation de la fibre optique ou à la couverture du réseau de téléphonie
mobile
Mais je pense surtout aux opportunités que
propose le numérique indispensables à la création d’entreprises et de services comme
au bien vivre de nos concitoyens.
Une autre
révolution est en marche. Une révolution des consciences !
L’économie sociale et solidaire, l’économie
circulaire, l’économie collaborative sont des révolutions discrètes et
progressives qui déstabilisent l’ordre établi. Elles placent la solidarité, le
partage et l’environnement au premier plan.
Depuis des années, les départements que nous
dirigeons sont l’un des plus gros moteurs de l’économie sociale et solidaire.
Ces innovations portées par nos départements doivent
servir d’exemples nationalement et internationalement. Elles répondent aux
attentes et aux besoins de nos concitoyens tout en étant efficaces et souvent
peu couteuses. Elles sont l’incarnation du rôle d’équilibre et de solidarité du
département.
C’est pourquoi je suis convaincu que nous devons
en être les premiers partenaires et les ambassadeurs en saisissant chacune des
opportunités de les valoriser. La COP 21 est en ce sens une occasion incomparable!
Ne la manquons pas !
Valoriser nos initiatives
c’est aussi mettre en avant nos territoires et leurs atouts.
Chaque territoire a son histoire, ses qualités et
ses faiblesses. Les mobiliser, les raconter permet de les valoriser et de se
donner toutes les chances de répondre aux attentes d’entreprises, de touristes,
comme de futurs habitants. C’est l’enjeu des politiques d’attractivité
territoriale qui sont génératrices de développement.
Adapter les
compétences départementales à nos territoires est un véritable défi. Nous
devons le relever ! Le Congrès qui s’ouvre doit, à l’image de notre
association, permettre d'échanger sereinement pour y contribuer !
Tout cela, nous le ferons sans oublier nos
fondamentaux.
Nous sommes la
collectivité des solidarités humaines. Nous incarnons la solidarité. C’est
pourquoi il était inimaginable de ne pas répondre à la détresse de ceux qui
fuient aujourd’hui leurs pays en proie à des dictatures sanglantes et un
fanatisme incontrôlable.
Je veux saluer ici
la décision du Bureau de l’ADF de nous avoir permis de communiquer d’une seule
et même voix en ce sens !
De la même
manière, il me semble impératif que nous puissions accueillir les mineurs
étrangers isolés qui trouvent refuge sur notre territoire. Certes, l’État doit
prendre ses responsabilités financières afin de nous permettre d’assurer cette
mission. Mais il est nécessaire que nous abordions ce sujet collectivement.
Chacun doit prendre ses responsabilités afin d’éviter que d’autres soient
contraints de les prendre davantage.
Enfin, pour
relever l’ensemble des défis que rencontrent les départements, il faut en avoir
les moyens.
L'avenir
financier des Départements est aujourd'hui plus qu'incertain.
Depuis des années
les départements connaissent des difficultés budgétaires croissantes. Je n’ai
pas besoin ici d’épiloguer sur le fameux effet ciseaux. Nous connaissons cette
situation.
Ce n’est pas un problème
nouveau. Il existe depuis le 1er janvier 2004, depuis le transfert
du RMI de l’État vers les départements. L’absence d’une compensation, juste et
pérenne conduit aujourd’hui plusieurs d’entre nous dans l’impasse budgétaire,
déstabilisant l’égalité territoriale, fragilisant notre capacité d’action et
d’investissement, comme celle de milliers d’acteurs économiques, sociaux ou
associatifs, qui font vivre l’ensemble de notre pays.
Dès 2005, alors
que la gauche était majoritaire à l’ADF, nous nous sommes mobilisés pour que
l’État revienne sur cette injustice. Le déni et l’ignorance furent les seules
réponses durant de longues années.
Il a fallu attendre 2013, et une nouvelle majorité au plan national
pour obtenir une première victoire.
Le gouvernement
de Jean-Marc Ayrault a reconnu que l’Etat ne compensait pas correctement le
financement de ces allocations. Des mesures ont alors été prises pour limiter
cette situation. Mais l'augmentation continue du nombre d'allocataires du RSA
dans une crise économique qui dure a rendu cette mesure déjà insuffisante.
Alors, faisant
suite à ses propos de début mars, avant les élections départementales, le
Premier ministre Manuel Valls a proposé à son tour de travailler avec l’ADF. Un
groupe de travail technique s’est réuni à quatre reprises ces derniers mois
établissant un constat sur la situation des finances de nos départements
partagé entre l’ADF et les services de l’État.
Nous, Président-e-s de Conseils départementaux de gauche, avons lancé,
dernièrement, un appel au Premier ministre. Il réaffirme deux principes fondamentaux :
L’universalité du
RSA. C’est un droit social et un bouclier contre la misère dont l’accès et le
niveau doivent demeurer les mêmes, où que l'on vive. Son financement doit
reposer sur la solidarité nationale pour ne pas représenter un coût plus élevé
pour les contribuables d’un département selon les ressources fiscales ou la
situation de l'emploi de celui-ci. C’est une question d’égalité !
La solidarité
entre les départements de France. Pour assurer équitablement l’accompagnement
des personnes fragiles sur tout le territoire, il est nécessaire de conforter,
et non de supprimer comme certains le proposent, la répartition des richesses
et des ressources des départements en tenant compte de la réalité de leurs
dépenses sociales. C’est une question d’équité !
Cet appel
formulait une proposition : la recentralisation de l’allocation RSA. Nous l’avons
rappelé, avec Mathieu Klein, jeudi dernier, lorsqu’une délégation de l’ADF a
été reçue par le Premier ministre.
Cette proposition est aussi celle d’une partie de la majorité de
l’ADF. C’est pourquoi nous devons la défendre comme il nous revient de
réaffirmer l’attachement des départements aux politiques d’insertion !
En effet, si Manuel
Valls a annoncé des mesures d’urgences à destination des départements en
grandes difficultés, il n’a formulé aucune annonce de solution concernant une
réforme structurelle du financement du RSA.
Mais le Premier
ministre a proposé de travailler précisément sur les modalités d'un règlement pérenne
du financement du RSA en évoquant la possibilité de la recentralisation de
l’allocation. Une porte jusqu’ici fermée s’est entrouverte !
Il nous revient de mettre le pied dans cet entrebâillement et de nous
donner les moyens d’ouvrir la porte pour de bon.
Ce travail doit
être constructif et responsable afin d’aboutir à un accord pour l'avenir du
pacte social et républicain d’ici la fin du premier trimestre 2016. Ce travail
est désormais celui des choix et des décisions, celui des élus que nous sommes.
Monsieur le
président de l’ADF, mes chers collègues, soyez assuré que le groupe de gauche
restera pleinement mobilisé pour permettre aux départements d’aborder
efficacement les changements qui les attendent, de relever pleinement les
nouveaux défis qui s’ouvrent à eux, et de continuer longtemps à assurer la
cohésion sociale de notre pays.
Je vous remercie