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Le groupe de gauche de l'Assemblée des Département de France lance un appel au président de la République. L'Etat doit remettre en question son fonctionnement, Il doit être facilitateur, agissant de concert avec les collectivités en leur laissant davantage de latitude dans l'exercice de leurs compétences.

Les Départements, acteurs innovants au cœur des solutions de demain 

Monsieur le Président, 

Depuis le début de la crise sanitaire que traverse notre pays, les Départements, dans l’Hexagone et dans les Outre-mer, sont en première ligne pour répondre aux besoins de nos concitoyens et en particulier pour accompagner les plus fragiles d’entre eux. 

Leur force et leur réactivité, qu’ils tirent à la fois de la proximité de leur organisation, de leur connaissance approfondie de leur territoire, du professionnalisme de leurs agents, se sont avérées une nouvelle fois absolument cruciales dans ce contexte inédit. Dès la mi-mars, et en tenant compte des spécificités liées à leurs territoires respectifs, ils ont mis en place des mesures exceptionnelles pour soutenir de nombreux secteurs : social et médico-social, bâtiment et travaux publics, transport scolaire et hôtellerie, personnes et familles en situation de grande précarité...

Fidèles à leurs missions de solidarités humaines et territoriales, ils ont non seulement assuré la continuité des services publics essentiels à la population, mais aussi démontré leur capacité d’innovation pour répondre à l’urgence.

Pour cela, les Conseils départementaux ont été amenés à agir au-delà de leurs prérogatives, comme les ordonnances adoptées dans la période les y invitaient. Ils ont engagé des dépenses significatives et imprévues pour anticiper les difficultés et parfois pour pallier – de façon très concrète – certaines carences de l’État. Ils l’ont fait de manière responsable et constructive.

Aujourd’hui, les Départements sont également au rendez-vous de la solidarité nationale pour réussir le déconfinement et assurer la reprise des activités dans les meilleures conditions possibles, avec aujourd’hui une attention toute particulière pour nos collégiens.

Les leçons que nous pouvons d’ores et déjà tirer de cette situation exceptionnelle appellent des décisions majeures dans les semaines et les mois à venir.
Depuis de trop nombreuses années, l’action centrale des Départements en faveur de l’égalité territoriale et de davantage de justice sociale, pourtant au cœur du pacte républicain, est réduite par l’État à de simples équations – pour ne pas dire problèmes – budgétaires. Il faut sortir de cette attitude et supprimer les corsets financiers accumulés ces dernières années, qu’il s’agisse du Pacte de Cahors ou de la suppression de notre autonomie fiscale avec la perte de la taxe sur le Foncier Bâti. 

Principaux acteurs de la solidarité, les Départements sont les premiers moteurs de l’inclusion. Dans un contexte de crise sociale, démocratique et désormais sanitaire, leur rôle central mérite d’être réaffirmé. Les territoires sur lesquels ils exercent leurs compétences recouvrent des réalités extrêmement diverses. Or, leur rôle est d’assurer l’égalité entre les habitants de ces territoires afin d’éviter que des fractures ne se creusent ni ne se créent. 

Comme vous l’avez justement rappelé, il y aura un après COVID-19 et il conviendra de tirer toutes les conséquences de cette période. 
Les rapports entre l’État et les collectivités ne devront pas échapper à cette ambition de changements profonds. Ils devront reposer – enfin – sur la confiance et le dialogue ! 

Ce que démontre aussi cette crise, c’est que l’État doit remettre en question son fonctionnement et la manière d’exercer certaines de ses missions. Il doit être facilitateur, agissant de concert avec les collectivités en leur laissant davantage de latitude dans l’exercice de leurs compétences, notamment en matière de logement, de mobilités, de transition énergétique et, bien entendu, de solidarités humaines, à condition de leur laisser les moyens financiers nécessaires. L’acceptation par la majorité parlementaire de la proposition, portée par un nombre croissant de Départements, d’expérimentation du Revenu de Base, constituerait à cet égard un premier signal fort.

Monsieur le Président, la proximité a été au cœur des réponses apportées à cette crise. Le Gouvernement ne s’y est pas trompé en appuyant sa stratégie de gestion et de sortie de crise sur l’échelon territorial et sur les collectivités locales.
Cette prise de conscience doit être l’occasion de faire aboutir un processus de décentralisation qui, faute de transfert des moyens financiers associés et d’une répartition des compétences adaptée aux réalités de chaque territoire, n’a jamais pu produire tous ses fruits. 

D’ailleurs, les moyens colossaux engagés par les Départements nous imposeront de trouver ensemble, dans la concertation et la confiance partagée, des solutions financières d’accompagnement et des mesures de relance de la commande publique pour cette année et plus encore pour 2021.

La relance économique tant souhaitée et tant attendue passera d’abord et avant tout par la relance de l’investissement. Or, 70 % de l’investissement public sont portés par les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les Départements, et ce malgré des difficultés financières liées à la non-compensation des aides individuelles de solidarité (AIS) et notamment le financement par l’État du RSA.

Nous sommes prêts à poursuivre et même à amplifier ces efforts. Nous avons besoin pour cela, d’abord, nous l’avons dit, d’une décentralisation aboutie et accompagnée des moyens suffisants pour nous permettre de remplir ces missions au mieux. Mais nous avons également besoin d’un État fort, qui joue à nouveau son rôle de garant de l’égalité territoriale en compensant à l’euro près les AIS, en assumant enfin une péréquation à la hauteur des enjeux et des besoins, et en arrêtant de se reposer sur une péréquation entre Départements devenue dans le contexte actuel impossible.

La situation exceptionnelle que nous traversons appelle des évolutions exceptionnelles pour les Départements. Dans un contexte de crise sociale, démocratique et sanitaire, au moment où nos concitoyens demandent davantage de proximité et de solidarité, l’État doit réaffirmer le rôle central du Département, collectivité de proximité. Il est temps de faire pleinement confiance aux Départements, qui disposent de leviers d’action pour construire une société plus juste et plus solidaire à la bonne échelle, celle du canton.

Notre conviction, c’est que le chemin de la résilience passera nécessairement par une vision rénovée d’une République décentralisée. Les évolutions que nous appelons ici de nos vœux ont pour seul objectif d’améliorer la capacité de notre pays à absorber les nombreux chocs, de toute nature, qu’il aura à surmonter dans les années et décennies à venir. Elles doivent nous permettre collectivement de continuer à porter haut les valeurs de solidarité, de justice sociale et d’écologie.

Les Départements ont une nouvelle fois prouvé, ces derniers mois, à quel point ils étaient précieux à la bonne marche de notre pays, à quel point ils étaient modernes, à la fois mobilisés et réactifs, pour soutenir les services de l’État et accompagner les élus locaux. À leurs côtés, ils portent l’ambition de relever les défis du 21e siècle.
Monsieur le Président de la République, nous espérons que vous saurez entendre notre détermination à agir et que vous vous engagerez à la soutenir dans la durée.

Les Président(e)s signataires :
André VIOLA, Président du Groupe de Gauche de l’ADF, Président du Département de l’Aude.  Laurent UGHETTO, Président du Département de l’Ardèche. Christine TÉQUI, Présidente du Département de l’Ariège. Germinal PEIRO, Président du Département de la Dordogne. Nathalie SARRABEZOLLES, Présidente du Département du Finistère. Denis BOUAD, Président du Département du Gard. Georges MÉRIC, Président du Département de la Haute Garonne. Philippe MARTIN, Président du Département du Gers. Jean-Luc GLEYZE, Président du Département de la Gironde. Kléber MESQUIDA, Président du Département de l’Hérault. Jean-Luc CHENUT, Président du Département d’Ille-et-Vilaine. Xavier FORTINON, Président du Département des Landes. Phillipe GROSVALET, Président du Département de la Loire-Atlantique. Serge RIGAL, Président du Département du Lot. Sophie BORDERIE, Présidente du Département du Lot-et-Garonne. Sophie PANTEL, Présidente du Département de la Lozère. Mathieu KLEIN, Président du Département de la Meurthe-et-Moselle. Alain LASSUS, Président du Département de la Nièvre. Jean-Claude LEROY, Président du Département du Pas-de-Calais. Hermeline MALHERBE, Présidente du Département des Pyrénées-Orientales. Yves KRATTINGER, Président du Département de la Haute-Saône. Christophe RAMOND, Président du Département du Tarn. Jean-Claude LEBLOIS, Président du Département de la Haute-Vienne. Stéphane TROUSSEL, Président du Département de la Seine-Saint-Denis. Christian FAVIER, Président du Département du Val-de-Marne. Josette BOREL-LINCERTIN, Présidente du Département de la Guadeloupe. 

A retrouver sur le JDD 
https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-apres-le-covid-19-lappel-des-departements-de-gauche-pour-plus-de-decentralisation-et-de-dialogue-3968753