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DISCOURS D’ANDRE VIOLA Président du groupe de Gauche de l’ADF Congrès de l'ADF à Rennes – 08 novembre 2018


DISCOURS D’ANDRE VIOLA
Président du groupe de Gauche de l’ADF
Congrès de l'ADF à Rennes – 08 novembre 2018
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président du Sénat
Monsieur le Président de l’ADF
Messieurs les Présidents de Régions de France et de l’association des Maires de France.
Monsieur le Président du Conseil départemental d’Ille et Vilaine
Mesdames et messieurs les Présidentes et présidents de conseils départementaux
Mesdames et messieurs les conseillers départementaux
Madame le Maire de Rennes
Mesdames, messieurs

Avant de débuter mon allocution, je souhaite vous faire part de mes remerciements. Vous le savez l’Aude,  mon Département, a vécu une des plus grandes catastrophes naturelles de son histoire affectant principalement le bassin carcassonnais.
Un phénomène d’une intensité plus forte qu’en 1999 et surtout imprévisible, nous a frappés très durement. Devant l’ampleur des dégâts, 15  victimes, des milliers familles ne pouvant plus vivre dans leurs maisons, des ponts, des routes endommagés ou détruits… il a fallu nous mobiliser.
Aujourd’hui l’occasion m’est donnée de vous remercier pour vos messages de soutien, votre solidarité et vos dons pour reconstruire ce territoire qui mettra de longs mois à se relever.

Venons-en au congrès qui nous réunit aujourd’hui. C’est une séance un peu particulière à bien des égards.

Loin de moi l’idée d’émettre un quelconque parallèle avec un lointain congrès de Rennes des années 1990  dont la conclusion, reconnaissons-le,  ne fut pas à la hauteur pour nombre d’entre nous. Ce clin d’œil à l’histoire de mon parti en fera sourire certain mais il nous rappelle au combien que les débats, mais aussi la construction d’une vision claire, est indispensable à notre démocratie.   

Aujourd’hui, nous voici de nouveau réunis pour notre congrès annuel. Dans une configuration inédite s’il en est !

Une séance particulière, je vous le disais, car elle contient une charge symbolique et une force politique qui dépassent largement les frontières de notre association.

Aujourd’hui, mais aussi demain, ce sont les 101 départements de France qui se réunissent pour faire passer ce message simple : Nous voulons prendre toute notre place dans le débat sur l’avenir de nos territoires dont nous sommes les représentants démocratiquement élus.

Durant cette dernière année, nous avons eu, bien sûr et comme à l’accoutumé, des divergences et des désaccords. Certains ne changeront sûrement jamais ! C’est d’ailleurs rassurant et ce qui fait la richesse de la démocratie de notre Pays. Mais je veux dire que, peut-être plus encore ces derniers mois,  nous avons partagé sans ambiguïté un même objectif : celui de démontrer que le Département est une collectivité remarquable à bien des égards et qu’il est nécessaire qu’il puisse continuer à l’être.

C’est un instant particulièrement solennel car peu nombreux sont ces moments où tous les élus, de gauche comme de droite, se retrouvent autour d’exigences communes.

Je l’affirmais lors de notre rencontre de Marseille à l’occasion du congrès des Régions. Le gouvernement actuel n’a à son actif, pour l’instant, qu’une réussite au niveau des collectivités, celle de nous avoir tous réuni pour préserver l’action que nous menons dans nos territoires face au manque de considération que nous subissons depuis pratiquement deux ans maintenant.
Des paroles nous en avons, à profusion même, mais nous ne nous paierons plus de mots.

Notre mouvement a le mérite de dépasser les clivages. Les uns et les autres, en fonction de nos engagements, nous portons des projets politiques différents. Mais, au-delà, nous sommes tous attachés à un bien commun : la volonté d’agir au service de nos concitoyens et l’impérieuse nécessité de relations solides, fiables et indispensables avec le gouvernement qui nous donneront les moyens de conduire ce projet politique. C’est de cela dont il s’agit.

Alors aujourd’hui, je ne vous propose pas de « remettre les compteurs à zéro », nous l’avons déjà tenté et il faut être deux pour le faire ; Mais de nous poser les seules questions qui vaillent. Elles sont selon moi au nombre de quatre. 

1)    La méthode du gouvernement est elle bonne pour la France, bonne pour les français ? Je réponds NON

Compte tenu de la gravité de la situation je pense que ce congrès a un caractère tout à fait exceptionnel. J'ai eu l'occasion, comme d'autres, d'aller dans de nombreux départements et partout j'ai entendu le même message, un message d'inquiétude, mais aussi souvent de colère.

Bien sûr, ce sont les annonces ou peut-être devrais-je dire la cacophonie qui jusqu’à aujourd’hui nous ont été proposée. Cacophonie parce que, pour l'essentiel, les annonces et les actes depuis presque deux ans maintenant remettent, pour les premières, en cause 35 ans de décentralisation et d’actions concrètes sur nos territoires ;

Et je l’affirme sans ambages, aussi bien la forme que le fond sont pour moi contestables.

Sur la forme, ces réformes ont pour socle le dénigrement et pour méthode l'opacité. Le dénigrement, je crois que, les uns et les autres, il nous excède, il ne se passe quasiment pas de semaine sans que dans les collectivités locales les élus soient mis en cause.

Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises et je le redis. Je veux rappeler au Gouvernement, que derrière ce qu’il appelle, très justement d’ailleurs, «la cohésion des territoires », se cache autre chose qu’une enveloppe budgétaire à raboter.
Il se cache autre chose qu’une vision purement contractuelle et en définitive purement arithmétique de nos actions. 
Il se cache aussi autre chose que la volonté de diviser les strates de collectivités et de reconcentrer les décisions.

Ce rôle de cohésion des territoires, c’est celui des services publics, de l’Etat et des collectivités territoriales. Il est le garant de l’indispensable équilibre des valeurs fondamentales et universelles de la République, du pacte Républicain qui fonde notre vivre ensemble. Aux côtés de l’Etat, qui mieux que le Département, incarne, par son histoire, par ses compétences, la nécessaire continuité du Pacte Républicain et l’indispensable renouvellement perpétuel de son application ?
Alors Non, le Gouvernement n’a pas la bonne méthode ! Il faut en finir avec les déclarations comminatoires, les réunions secrètes, les demandes de plus d’intervention, de solidarité, d’accueil en nous corsetant financièrement !  il faut arrêter d’évoquer le financement des AIS sans le début d’une solution acceptable autre que de la péréquation horizontale que nous sommes prêts à faire mais qui ne sera jamais suffisante à elle seule !
Les sujets sont nombreux, urgents, nous les connaissons tous. Je le dis au Gouvernement ; Nous voulons des preuves et des actes !





J’en viens à la deuxième question : Sommes-nous, collectivités locales et Département au premier chef, porteurs d’innovation et de solidarité indispensable à notre pays? Je réponds Oui.

Chefs de file des solidarités humaines ! Nous investissons chaque jour dans les politiques de solidarités parce nous croyons sincèrement qu’elles sont une chance et une ressource pour nos territoires.

Chefs de file des solidarités territoriales ! Nous soutenons les communes pour permettre à chacun de bénéficier de services publics de qualité quel que soit son lieu de vie.

Bref, nous créons les conditions indispensables qui permettent à chaque français de prendre conscience qu’il appartient à un collectif. C’est l’essence de la République et de l’universalisme !

Pourtant, la petite musique que nous serions des collectivités dépassées et du passé plane toujours … Quelle erreur !

Au contraire, plus que jamais nous construisons chaque jour la France humaine et solidaire de demain ! Depuis 1982 et les lois de décentralisation, nous développons des savoir-faire irremplaçables, nous osons des innovations sociales et écologiques pionnières, nous engageons des expérimentations audacieuses. Confrontés aux évolutions de nos compétences et à celles des attentes et des besoins de nos territoires, nous avons su adapter nos politiques publiques depuis 30 ans. Et nous serions dépassés ?

Nous créons chaque jour des liens humains nouveaux, de l’activité économique locale et un espoir pour des personnes qui n’en ont plus. Nous réinvestissons les zones blanches de service public, urbaines comme rurales. Nous portons les maisons d’accessibilité des services au public. Nous soutenons les maisons de santé. Nous permettons la couverture en téléphonie mobile. Nous construisons la France du très haut débit, des tableaux connectés, de la domotique, des réseaux responsables, des pratiques numériques de demain. Et nous serions du passé ?

Ce qui m’amène à la troisième question : faut il poursuivre en 2018 sur la voie de la décentralisation ? ma conviction est oui.

La décentralisation a représenté une conquête démocratique décisive. Grâce à elle, on est passé du jacobinisme technocratique traditionnel à une vraie démocratie territoriale de proximité. Dans ce processus, la qualité de la gestion publique a été améliorée. Il y a aujourd’hui un consensus assez large pour dire qu’en termes d’inventivité et d’efficacité, les collectivités ont surpassé l’Etat dans la gestion des politiques publiques.

D’une manière générale, nos collectivités fonctionnent et les services publics qui dépendent d’elles sont partout assurés. Et tout cela, pour un coût qui reste parfaitement maîtrisé. Les collectivités territoriales – les nôtres y compris, malgré les difficultés que nous connaissons – sont beaucoup moins endettées que l’Etat alors qu’elles assurent plus de 70 % de l’investissement public.

Nous sommes des décentralisateurs. Nous sommes attachés au principe constitutionnel fondamental de libre administration des collectivités. Nous sommes attachés à nos missions. Nous comptons les mettre en œuvre comme nos majorités l’entendent, guidés par l’intérêt général de nos territoires et respectant les lois votées par la représentation nationale. C’est pour cela que les citoyens nous ont fait confiance, pas pour exécuter le budget d’un préfet suivant les orientations du Gouvernement. Nous nous opposons donc formellement à toute intervention de l’État dans l’élaboration et l’exécution de nos budgets. Inutile de dire que la logique des contrats et l'instauration d'un taux directeur unique pour toutes les collectivités, de 1,2 % ou même plus pour les dépenses de fonctionnement sont inacceptables et contraires à ces principes. Nous nous opposerons également à chacune des mesures qui affaibliront les actions que nous menons aux services des territoires et de leurs habitants. Ces principes émanent de notre texte fondamental, la Constitution, nous demandons seulement son respect.

Au final, la décentralisation, c’est plus de démocratie, plus de proximité et au total plus d’efficacité. On ne peut pas opposer vigueur du débat démocratique et efficacité de l’action publique. L’exemple de notre organisation territoriale montre que les deux sont complémentaires. Parce que la décentralisation a imposé le contrôle de l’action publique par des élus confrontés au débat citoyen, elle a permis à la France d’entrer dans l’ère de la démocratie réelle.
Voilà les acquis de la décentralisation : plus de démocratie et plus d’efficacité.

Enfin Quatrième questionnement : sommes-nous porteurs d’une réponse alternative ? Je réponds encore Oui.

Je crois que notre organisation institutionnelle aurait beaucoup à gagner d’une série de réformes qui se concentrent sur l’essentiel.

Il faut mettre fin à la recentralisation qui s’est imposée ces dernières années. Les collectivités locales doivent reconquérir leur autonomie financière, ce qui signifie que leurs ressources doivent être très majoritairement issues de la fiscalité et non de dotations de l’Etat ou d’autres collectivités. Cela impose une réforme fiscale pensée en amont pour restaurer cette autonomie financière et non pour répondre à des promesses mal préparées.

Enfin, les dépenses qui relèvent de la solidarité nationale –le RSA, l’APA, la PCH, les MNA – doivent dès aujourd’hui relever d’un engagement financier direct et important de l’Etat plus important que ce qui nous est proposé à l’heure actuelle.

Mes chers collègues, affirmons-le : les Départements sont les acteurs quotidiens d’une France résolument tournée vers l’avenir ! Mais dans une République décentralisée, pour permettre la pérennité d’une telle synergie, l’Etat doit faire confiance dans la capacité d’agir des collectivités.

Le premier marqueur de cette confiance, c’est de leur garantir les moyens de leur indispensable action de proximité. Pourtant, le Gouvernement, depuis qu’il est aux responsabilités, multiplie les décisions qui fragilisent cette confiance. Nous, les Présidentes et Présidents de Départements de gauche que j’ai l’honneur de représenter, demandons au Premier ministre et à la ministre Jacqueline Gourault d’enfin rétablir cette confiance, mais dans le respect de certaines règles. Dans l’ancien monde comme dans le soi-disant nouveau, co-construire une relation de confiance se fait dans un cadre commun. C’est pourquoi nous voulons être extrêmement clairs sur les principes fondamentaux qui guident notre action.

Alors posons encore deux rapides questions pour conclure, essentielles :

Le Gouvernement est-il prêt à cesser les décisions brutales comme celles prises depuis le début du quinquennat ?

Enfin le Gouvernement est-il prêt à définir des lignes claires et formuler des propositions précises concernant le financement pérenne des trois allocations individuelles de solidarité et plus précisément du RSA, en respectant les lignes rouges des départements ?
Cela fait deux ans que les départements travaillent et font des propositions à l’Etat.
Ce congrès doit nous permettre d’avancer.

Nous attendons du Gouvernement qu’il fasse des propositions, rapides, honnêtes et concrètes !

Alors très simplement, j'ai envie de faire mien ce vers de Victor Hugo : « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent ». Il faut que pendant ces deux jours nous luttions tous ensemble pour faire évoluer le cours des choses, il faut que nous enflions la voix, qu'elle porte jusqu'à l'Elysée, qu'on nous entende et qu'enfin le dialogue nécessaire, la négociation indispensable nous permettent de donner un avenir à nos territoires et des réponses à nos concitoyens.