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Discours de Marie-Françoise Pérol-Dumont, Présidente du Groupe Majoritaire de Gauche, lors du débat de politique générale du 83ème congrès de l'ADF


Mesdames, messieurs,

Chers collègues,

Je veux d’abord remercier Patrick KANNER qui nous accueille dans ce magnifique département du Nord. S’il est le plus grand département par le nombre d’habitants, convenons qu’il est également l’un des plus grands pour ce qui est de l’accueil, de la convivialité et de la festivité. 

Je veux aussi bien sur remercier notre président Claudy LEBRETON, de nous réunir ici à Lille pour ce 83ème congrès de l’ADF qui se déroule cette année dans le cadre de la première convention des départements de France, permettant ainsi à nos collègues conseillers généraux de nous rejoindre lors de la dernière journée.


Bruno SIDO nous a fait part hier en bureau de l’ADF de l’intention des présidents et des élus du groupe de droite du centre et des indépendants de ne pas participer à cette dernière journée de rencontre des conseillers généraux. C’est regrettable, alors même qu’il s’agit d’une occasion rare pour les acteurs des départements de se retrouver ensemble. 

Il a évoqué les raisons qui poussent les élus de son groupe à manifester leur mécontentement. Nous les avons entendus, mais je ne peux m’empêcher de penser que toutes les raisons n’ont pas étés verbalisées notamment le contexte préélectoral dans lequel se tient se 83ème congrès. 

Objectivement, la situation actuelle des départements ne peut être abordée sans partir d’un constat :

Notre situation est difficile, c’est incontestable, mais nous n’avons eu de cesse de nous mobiliser ces dernières années pour assurer la survie des départements et la pérennité des politiques conduites au service de nos concitoyens. Et cela n’a pas été chose facile.

Nous sortons de 10 ans de droite, nous sortons de 5 ans de sarkozysme et nous sortons d’autan d’années d’indifférence de la part des pouvoirs publics ! Certains diraient même de mépris !

Quel bilan pour les départements à l’issue du précédent quinquennat ?

En tout et pour tout, 150 millions d’un fonds exceptionnel aux départements en difficultés octroyé en 2011 par le gouvernement Fillon.

L’ADF, son président et sa majorité avaient d’ailleurs répondus favorablement à l’idée d’un fonds de soutien exceptionnel. Mais nous réclamions un abondement plus important puisque qu’aucune perspective de financement pérenne des trois allocations individuelles de solidarité (APA, PCH RSA) ne se dégageait.

Ce geste, était certes nécessaire, mais il était aussi d’évidence un levier politique utile pour satisfaire des élus de terrain précieux dans la bataille des élections présidentielle et législatives de 2012.

Aujourd’hui certains présidents du groupe DCI se plaignent : « C’était mieux il y a trois ans », «  les mesures du gouvernement actuel pèsent trop lourd sur nos dépenses », seraient-ils amnésiques ? Je les invite à se remémorer honnêtement le poids sur nos finances et notre institution des décisions et des réformes du gouvernement qu’une majorité d’entre eux a défendu.

La réforme de la taxe professionnelle, la transformation du RMI en RSA et son transfert aux départements … autant de mesures du quinquennat précédent qui ont « asphyxié » nos finances, pour reprendre un terme cher à trois départements de droite. A gauche nous manifestions notre mécontentement ! A droite, trop peu l’ont fait !

Quant à la création du conseiller territorial qui faisait de facto disparaître notre institution, peu de bruit à l’époque chez ces mêmes collègues alors même que certains ont cette année frôlé l’incorrection lors du débat sur le nouveau mode de scrutin, assurant pourtant la parité et le rééquilibrage de la représentation démographique des citoyens, ou lors des journées parlementaires de leur formation politique.

Il faut vraiment beaucoup de mauvaise foi pour prétendre que nous étions mieux hier !

Le gouvernement Ayrault est en responsabilité depuis un peu moins d’un an et demi. Nous pouvons à ce stade dresser un premier bilan objectif.

Depuis juin 2012, le Président de la République et son Premier Ministre font face à une conjoncture plus que difficile. Le travail courageusement engagé continue et portera bientôt ces fruits, je le crois sincèrement

Tout le monde s’accordera à dire que des efforts étaient nécessaires pour sortir notre pays de la situation d’endettement vertigineuse dans laquelle il a été conduit.

Parmi ces efforts, la baisse de dotation globale de fonctionnement aux collectivités de 1,5 milliards d’euros en 2014 et 1,5 milliards en 2015 (4,5 M€ en 2 ans). Pour les départements cela représente 476 millions d’euros en 2014 (31,74 %). C’est beaucoup, je n’ai pas peur de le dire. Mais en élus responsables nous nous devons d’accepter de contribuer à l’effort collectif demandé pour redresser les comptes de l’Etat.

Si cette baisse de dotations ne fait plaisir à personne, il semblerait qu’elle mécontente particulièrement à droite. Mais que proposait le candidat SARKOZY ? Une baisse de 2 milliards par an sur 5 ans. L’auriez-vous alors accepté sans barguigner chers collègues ?

Oui des réformes étaient indispensables :
  • pour permettre de relancer l’économie et l’emploi notamment chez les jeunes, c’est le rôle des emplois d’avenir et des contrats de génération;
  • pour améliorer la qualité des services publics, c’est le cas de la réforme des rythmes scolaires dont nous ne nions pas le coût pour nos collectivités en termes de transports scolaires. Mais l’intérêt des enfants doit primer ;
  • pour rétablir une équité et une solidarité entre les territoires, c’est le cas de la circulaire relative à l’accueil des mineurs étranger isolés qui certes ne règle pas la question difficile de la politique d’immigration dans notre pays, mais qui apporte un début d’équité entre nos départements.
A cet égard je tiens à saluer la détermination du ministre de l’intérieur qui se refuse à glisser la poussière sous le tapis et à faire diversion à coup de grands moulinets pour cacher l’absence de résultats, à l’inverse de ce qui à longtemps servi de politique place Beauvau. 
D’autres réformes sont à venir, sur le vieillissement notamment, le logement également, etc.

Oui ces réformes ont un coût financier, politique peut-être ! Mais le gouvernement doit les faire !

Dans ce contexte difficile, en près d’un an et demi, les départements ont renoué avec l’Etat.

Notre sommes enfin considérés au sommet de l’Etat comme des partenaires à part entière et non plus comme de vulgaires exécutants.

Le 22 octobre dernier, à l’Elysée, les départements et l’Etat ont pris ensemble une série de 10 engagements pour la croissance, l’emploi et la solidarité dans les territoires. Cette déclaration commune signée par le Premier Ministre et le Président de l’ADF et c’est une grande première, comprenait notamment l’engagement de créer les conditions de mise en place à compter de 2014 des « ressources pérennes et suffisantes permettant aux départements de faire face au financement des trois allocations individuelles de solidarité ».

Cet engagement qui doit être tenu sur la mandature commence à prendre forme.

Nous avons travaillé avec le gouvernement en impliquant le groupe DCI et le groupe majoritaire. Après avoir partagé avec l’Etat un diagnostic sur le montant du financement des 3 AIS non compensé, fait historique depuis 10 ans, nous avons trouvé le 16 juillet à Matignon, en présence du premier Ministre un accord nous allouant les ressources suivantes:
  • 827 millions d’euros, produit des frais de gestion de la taxe foncière propriétés bâties seront transféré aux départements pour financer l’APA, le RSA et la PCH;
  • Il nous est accordé la possibilité dès 2014 de relever les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) à hauteur maximale de 4,5 % soit une potentielle ressource de 1,3 Milliards d’euros qui sera répartie équitablement par un système de péréquation.
C’est une avancée, nul ne peut le nier !

Le travail n’est pas terminé, il nous faudra continuer pour obtenir au cours de cette mandature un financement global du RSA par la solidarité nationale.

Mais on ne peut dénigrer cette avancée significative et la méthode proposée par le Gouvernement fondée sur la reconnaissance de notre action publique de proximité dans le domaine de la cohésion sociale. Je veux d’ailleurs remercier le travail effectué notamment par Claudy LEBRETON et Michel DINET dans cette négociation.

Certains présidents du groupe DCI ont d’abord reconnu la qualité du travail accomplit avant de se cacher derrière un écran de fumé : celui du fonds d’urgence.

Pour dissimuler l'accord historique obtenu avec le gouvernement et les 2,1 Mds qu’il pourrait rapporter aux départements en 2014, la droite à préféré s’offusquer d’une répartition qu’ils ont considérée injuste de la seconde part d’un fonds exceptionnel que pourtant le gouvernement avait augmenté à 170 milliards.

Il est vrai que la Corrèze et le Tarn en ont grandement bénéficié. Mais en 2011 lorsque Philippe RICHERT, alors ministre en charge des collectivités justifiait l’allocation de 14 millions d’euros à la Corrèze et 10 millions au Tarn en ces termes: "ces départements ont une marge quasi-nulle entre leurs dépenses de fonctionnement et les recettes", la droite n’a rien dit ! Aujourd’hui, alors que les problèmes perdurent et que les dépenses sociales continuent d’augmenter elle s’offusque que la Corrèze bénéficie de 13,1 millions et le Tarn de 10 alors même que le fonds a augmenté de 20 millions.

Ce qui semblait légitime sous le gouvernement Fillon le serait-il moins sous le gouvernement Ayrault ? Non bien sûr ! Et le courroux de certains n’est qu’une vulgaire tentative de dissimulation de l’avancée des véritables travaux menés par l’ADF avec le gouvernement. On ne peut que le déplorer.

Lorsque l’on aborde le cœur des mesures que nous avons négociées, certains disent « c’est inacceptable de se réjouir d’obtenir le droit d’augmenter les impôts », tous d’abord les DMTO ne sont pas un impôt, ensuite soyons plutôt heureux de pouvoir bénéficier d’une autonomie, d’une capacité de choix, nous l’avons si souvent réclamé, d’une opportunité de démontrer notre gestion responsable en acceptant de déplafonner les DMTO pour financer la cohésion sociale et la solidarité nationale.

Enfin, je voudrais dire en toute amitié mais en toute sincérité à nos collègues de l’opposition que c’est un comble que d’instrumentaliser les pompiers, mais aussi les transports scolaires pour lancer une grande campagne de désinformation dans la presse, alors que les mêmes étaient restés de marbre face à tous les mauvais coups portés aux départements entre 2007 et 2012 !

Comment prendre au sérieux les plaintes de certains présidents de conseils généraux qui se disent « asphyxiés » alors même qu’ils s’offrent, aux frais du contribuable, une communication mensongère, déplacée et parfois même anonyme sur l’action des départements. Cela ne me semble pas digne du combat que nous devons conduire ensemble pour l’avenir de nos départements et des politiques que nous y conduisons.

Notre président, Claudy LEBRETON, est attaché depuis toujours à la transparence et la collaboration. Il vous engage chers collègues du groupe DCI à élaborer avec nous la mise en œuvre de l’accord du 16 juillet afin que nous puissions tous bénéficier au mieux, et de manière juste et équitable des ressources qui nous sont alloués. Ne faites pas la fine bouche, n’instrumentalisez pas nos collectivité dans une préfiguration des échéances électorales de 2014.

Le Projet de loi de finance pour 2014 sera bientôt débattu et nous avons besoin d’unité pour y intégrer les mesures que nous souhaitons. La majorité se mobilisera naturellement, mais nous devons pouvoir compter aussi sur le groupe DCI.

La réforme de la décentralisation est encore devant nous. Notre objectif de consolider les Départements comme les acteurs majeurs des solidarités humaines et territoriales et du développement local est en passe d’être atteint. Mais nous devons encore nous mobiliser ensemble pour conserver le FSE, le numérique, et permettre à nos concitoyens de s’exprimer sur la fusion de leur collectivité avec une autre lorsque elle est proposée.

J’appelle nos collègues présidents de droite, centristes et indépendants à rester mobilisés avec nous à développer des emplois d’avenir, à défendre l’économie sociale et solidaire, à participer à la réforme du vieillissement…

Au-delà de nos appartenances partisanes légitimes engageons nous, à enclencher la dynamique qui permettra de renouveler l’institution départementale, de la conforter. Ensemble mobilisons nous autour de notre président, pour lui permettre défendre au mieux les intérêts des départements au service de nos concitoyens.

Femme de gauche je suis, femme de gauche je resterai ! Mais plus que la victoire de mon camp, je souhaite la victoire des départements, car leurs missions sont essentielles au vivre ensemble.

S’il se trouve qu’aujourd’hui c’est autour de la gauche que se construit l’avenir de notre pays, je pense que le gouvernement et le président de l’ADF ont prouvé que nous pouvons construire ensemble, avec ceux qui le souhaitent, le département de demain !

Ne ratons pas cette occasion, ne donnons pas des arguments à celles et ceux qui persistent à vouloir nous éradiquer du paysage institutionnel, plus qu’une erreur ce serait une faute !

Chers collègues du groupe DCI, je vous invite à revenir sur vôtre décision de nous quitter. Restez avec nous !

Je vous remercie.

Discours de Marie-Françoise Pérol-Dumont, Présidente du Groupe Majoritaire de Gauche, lors du débat de politique générale du 83ème congrès de l'ADF, le 10 octobre 2013